A l’aube du 19e congrès du PCC, qui s’ouvre le 18 octobre, le président Xi Jinping affiche sa volonté de rivaliser avec les Etats-Unis de Donald Trump.
LE MONDE | 13.10.2017 à 12h12 |
Par François Bougon
Un calligraphe peint l’emblème du Parti communiste chinois à Xiayi, dans la province du Henan, le 6 octobre.
C’était il y a dix ans. Dans la perspective de l’organisation des Jeux olympiques de Pékin en 2008, le pouvoir avait distribué des cassettes audio aux chauffeurs de taxi afin qu’ils tentent de maîtriser quelques mots d’anglais. En 2017, c’est la petite-fille du président américain, Donald Trump, qui apprend le mandarin. Lors de la visite du numéro un chinois à Mar-a-Lago (Floride) en avril, Arabella a ainsi chanté et récité un poème devant Xi Jinping. Sans doute anecdotique, cette « performance » est remarquablement symbolique d’un effet de bascule : nous sommes -entrés dans le siècle de la Chine.
Alternative à l’American Dream
Sortie forte et influente de ses « trente glorieuses » (1979-2009), elle rivalise dorénavant avec la -superpuissance américaine. Xi en vient même à vanter un « rêve chinois » comme alternative à l’American Dream, avec le même effet d’attraction, espère-t-il. Il réalise ce qu’avaient voulu, au XIXe siècle, les réformistes chinois qui s’interrogeaient sur les faiblesses de l’empire du Milieu face à l’Occident : un pays puissant, une armée forte et une nation respectée. Ce rêve se traduit aujourd’hui, sur le plan extérieur, par des ambitions territoriales et stratégiques affirmées.
La politique de profil bas adoptée à la fin des années 1970 est terminée : Xi veut une Chine à la tête haute. Dans son environnement proche, en Asie, il revendique sa présence en mer de Chine au risque d’inquiéter certains voisins. Le retrait américain de l’accord de partenariat transpacifique (le TPP) s’est avéré un cadeau providentiel pour Xi, servant son dessein de « nouvelles routes de la soie », un vaste projet d’infrastructures entre la Chine et le reste du monde.
Sur le plan intérieur, il n’est pas question de conquête mais de contrôle : Xi impose le sien à la fois sur le Parti communiste chinois (PCC) – au nom de la lutte anticorruption –, sur l’armée et sur la société civile. L’heure n’est pas aux réformes...
Chine. L’Empire du milieu affirme désormais sa puissance
LINA SANKARIMARDI, 17 OCTOBRE, 2017
HUMANITE.FR
Le 19e Congrès associera-t-il le nom de Xi Jinping à une nouvelle théorie comme ce fut le cas de « la pensée Mao Zedong » et de la « théorie Deng Xiaoping » ? Photo : Jason Lee/Reuters
Le 19e Congrès associera-t-il le nom de Xi Jinping à une nouvelle théorie comme ce fut le cas de « la pensée Mao Zedong » et de la « théorie Deng Xiaoping » ? Photo : Jason Lee/Reuters
Lors du 19e Congrès qui s’ouvrira demain, le Parti communiste chinois renouvèlera ses instances dirigeantes. Il est également chargé de définir les lignes politiques et économiques pour les cinq ans à venir alors que certains évoquent déjà l’entrée dans « le siècle de la Chine ».
En Chine, chaque dirigeant a pour habitude de marquer son passage au pouvoir d’une formule à même de résumer à elle-seule son projet politique. Le slogan élaboré par Xi Jinping, en 2013, avait des airs de pied-de-nez. Lorsqu’il lance l’idée d’un « rêve chinois », le nouveau président souhaite faire comprendre au monde, et aux Etats-Unis en premier lieu, que la Chine est désormais prête à assumer son rang sur la scène mondiale tout en suivant sa propre voie de développement. A contre-courant du « rêve américain » donc, puisque c’est l’élévation de toute la société qui est suggérée et non la prospérité individuelle. Cet axe devrait être réaffirmé lors du dix-neuvième congrès du Parti communiste chinois (PCC) qui s’ouvre demain à Pékin. Selon le politologue Lanxin Xiang, il s’agit de « restaurer la gloire passée de la Chine et de l’Etat, rappeler le désir séculaire d’une Chine moderne, riche et puissante, qu’ont eu tous les empereurs, et enfin de rendre les Chinois fiers et heureux afin de maintenir la stabilité sociale ». Après plus d’un siècle d’humiliations, marquées par les guerres de l’opium, la domination étrangère, le chaos politique et la famine, la volonté de maîtriser son destin est flagrante. « Depuis 1949, le rêve est en partie réalisé. La Chine communiste, unifiée est devenue membre du Conseil de sécurité. Elle est la seconde économie mondiale. Son ambition proclamée est de devenir la première (...) Il semble qu’une large part du peuple adhère au ‘rêve chinois’ au retour de la puissance », note l’économiste Philippe Delalande.
40 millions de Chinois vivent encore sous le seuil de pauvreté
Sur le plan intérieur, ce « grand renouveau de la nation chinoise » passe par la construction d’une « société de moyenne aisance » d’ici 2020. Car la Chine procède par étape. Après la « décennie prodigieuse » de croissance à deux chiffres de l’ère Hu Jintao, l’idée est de réduire les inégalités entre les mégapoles dynamiques de l’est, qui ont bénéficié dès les années 1980 de l’ouverture du pays, et les zones déshéritées du centre et de l’ouest, tout en tenant compte du ralentissement économique. Selon les statistiques, le nombre de ruraux vivant en dessous du seuil de pauvreté, situé à moins de 2 300 yuans par an (396 euros), a chuté de 775 millions en 1980 à 43 millions de personnes en 2016. Un bond spectaculaire qui nécessite désormais la consolidation du système de santé alors que 46 % des Chinois pauvres le sont pour des questions de santé. Le gouvernement a en outre créé des banques de données qui permettent de cibler les causes de la misère selon les régions avec un calendrier précis pour les 40 millions de Chinois qui vivent encore sous le seuil de pauvreté. Grace à une augmentation des salaires d’environ 15% par an, « les assurances retraites, maladie, chômage, invalidité, maternité furent sensiblement améliorées et étendues dans une certaine mesure au monde rural », souligne encore Philippe Delalande. D’ici 2020, la Chine se donne pour objectif de couverture à 100 % de la population. Dans les campagnes, il s’agit de soutenir les populations dans le développement de « secteurs originaux, encourager le transfert de main-d’œuvre rurale vers d’autres secteurs ; déplacer les habitants des régions pauvres où il ne fait pas bon vivre (…) et donner des garanties de minimum vital aux personnes en incapacité de travailler », précise Lu Rucai, rédactrice en chef de la Chine au Présent.
La Chine entend opposer un contre-modèle au choc des civilisations américain
A l’extérieur, les Nouvelles Routes de la Soie (One Belt One Road, OBOR), développé par Xi Jinping, marque la montée en puissance de la Chine sur la scène internationale. Avec ce projet titanesque de 1000 milliards d’euros d’investissements dans des projets autoroutiers, énergétiques, ferroviaires et portuaires, du Pacifique à la mer Baltique, la Chine entend proposer un contre-modèle de civilisation et de développement dans un monde rongé par la crise et les conflits. En mai dernier, une centaine de pays était réunie à Pékin lors d’un sommet consacré au projet. Lors d’une conférence à l’Université Columbia, fin septembre, l’ancien secrétaire d’Etat américain Henry Kissinger, qui oeuvra à la reconnaissance.